mardi 5 décembre 2006

Dans quoi est ce que je me suis embarquée?

Je suis réellement heureuse d'être enceinte. Je me sens bien, on dit même que je rayonne, mais en même temps j'ai tellement peur...

J'ai peur que cette crevette ne m'aime pas, qu'elle ne soit pas heureuse de tomber sur moi.
J'ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir quoi faire.
J'ai peur de ne pas être une bonne mère. C'est si exigeant, si engageant comme rôle! Et si je n'y arrivais pas? Si je n'étais pas capable d'assumer mon rôle? Qu'est ce qu'on fait dans ces moments-là? Y'a plus de retour en arrière, plus de pensez y bien. Y'a juste un immense trou rempli de doutes devant moi, un trou dans lequel je tombe à une vitesse inouie. Un trou si grand qu'il m'aspire et aspire toutes mes angoises en même temps. Un trou qui parfois est si chaud, si enveloppant que je rêve d'y rester longtemps, mais aussi un trou que je ne connais pas du tout et qui me fout la frousse à un point tel que j'essaie toujours de reperer la sortie.

J'ai peur de l'accouchement et de ses douleurs.
J'ai peur de ne pas être capable de dire non à l'épidurale, de ne pas vivre mon accouchement le plus naturellement possible (comme j'aimerais pouvoir le faire). J'aimerais tellement que mon accouchement soit comme je l'imagine, mais rien n'est aussi irréaliste. J'ai peur de me laisser aller, que Péha et le personnel médical me voient sous mon pire jour. J'ai peur de hurler, de me plaindre, d'être horible et méchante, de regretter mes choix, mais surtout de ne pas être capable de vraiment vivre ce moment. J'ai peur que Péha soit à l'extérieur de la ville, j'ai peur de vivre ça seule. J'ai peur!

J'écoute l'annonce l'hôpital pour enfants des Shriners et j'ai peur que ma crevette ait des malformations, des maladies, ou pire, qu'elle meure ausitot qu'elle verra le jour. J'ai peur de ne pas survivre à cette horreur. J'ai peur que son petit corps ne soit pas parfait. J'ai peur de découvrir que si je n'avais pas mangé ou bu telle chose, elle serait mieux. J'ai peur de m'en vouloir pour le restant de mes jours.

J'ai peur de la vie qui s'offre à mon enfant, du monde dans lequel je vais devoir l'élever, de la société dans laquelle il va évoluer. J'ai peur que l'état de la planète se détériore tellement qu'elle ne pourra pas suporter le poids de l'humanité et que crevette ne pourra pas connaître toutes les merveilles que moi j'ai connues. J'ai peur que le monde vire fou, que l'égalité entre les gens ne soit plus une priorité, que l'accès à l'éducation soit ardu, que la guerre éclate, que la famine règne, qu'il y ait des cataclysmes....

J'ai peur de manquer d'argent.

J'ai peur que moi et Péha ça ne soit pas réellement pour toujours et que mon enfant ait à subir la séparation de ses parents. Les miens sont toujours ensemble et il est important pour moi que crevette ait ce modèle de couple solide. Qu'elle puisse compter sur ses deux parents en tout temps. Qu'elle puisse croire en l'amour et en sa longévité. Qu'elle puisse voir ses parents évoluer ensemble.

J'ai peur de ne pas l'aimer assez, que mon coeur ne soit pas assez grand pour tout contenir et pourtant je l'aime déjà. J'ai eu des saignements cette semaine (rien de grave.... en fait rien en lien avec le bébé) et j'ai eu si peur que cette aventure s'arrête ici, que ma crevette disparaisse sans que j'aie eu la chance de la connaître, de la voir sourire, rire, grandir, courir, aller à l'école, découvrir la vie et tomber en amour. J'ai senti mon coeur se réchauffer, s'emplir d'un amour autre que ceux que j'ai connus jusqu'à ce jour et me dicter une marche à suivre. C'est pas facile de se calmer quand on ne contrôle pas les événements, ni son corps, ni sa tête, ni son coeur. J'ai peur de trop l'aimer, de la couver, de l'empêcher de vivre, d'être une mère poule. Et puis j'ai peur du contraire, c'est à dire d'être une mère absente, froide, indépendante et égoïste.

J'ai peur de ne pas avoir assez peur.

J'ai peur d'avoir trop peur.

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